Si les servitudes « privées » (entre particuliers) donnent lieu à de très nombreux articles (code civil de l’article L637 au L710 etc.) et à encore plus de réglementations et de jurisprudences, la législation relative aux servitudes d’utilité publique (SUP) est apparemment bien moins lotie. C’est particulièrement le cas des servitudes de passage des piétons sur le littoral SPPL (Code de l’urbanisme, articles L 121-31 à L 121-37 seulement). On trouve dans le code civil un traitement assez équitable des parties en présence (celui qui « subit » la servitude et celui qui en « use »). Ce n’est pas le cas dans le cadre de la SPPL où la relation entre le riverain de la mer et l’Etat est totalement asymétrique. En effet, une quelconque réciprocité n’existe pas, puisque la servitude frappe la propriété uniquement dans un intérêt public, en application de la loi. On ne se soucie pas vraiment de « l’utilité du projet », ni de son usage réel d’ailleurs et encore moins des inconvénients pour le fonds qui « subit » (c'est à dire le propriétaire). La loi est dure mais c’est la loi… Et elle est d’autant plus dure que les services de l’Etat chargés de son application la « simplifient » pour en faciliter l’usage. Et ceci est bien entendu contestable.
Le résultat de cette stratégie ne s’arrête pas à des désagréments pour quelques familles. Lorsque la SPPL aborde des « zones humides » de grande sensibilité, c’est la faune et la flore qui sont à peine considérées. La continuité du passage littoral longitudinal « impose » souvent que ces zones sensibles soient traversées, puisque que la législation ne prévoit qu’un dispositif restrictif pour écarter le tracé de la mer lorsque nécessaire (Article L121-34 du code de l’urbanisme – « servitude transversale »). Des travaux s’avèrent parfois nécessaires sur ces zones mouillées (platelages, passerelles…), travaux qui ne font pas partie de l’établissement de la SPPL mais sont intégrés de-facto au projet de servitude, comme si cela allait de soi… Le dispositif de la prescription SPPL est à l’opposé d’une démarche d’intégration environnementale « moderne ». Et ceci est bien entendu, aussi, contestable.
Comme indiqué plus haut, l’usage qui est fait ultérieurement de la SPPL, n’est pas « contrôlé » par l’administration. Or, imaginons un particulier jouissant d’une servitude de passage sur le terrain de son voisin ; on le voit mal utiliser ce passage différemment de ce qui est prévu (voir plus haut, la protection offerte par les différents articles du code civil)… L’administration n’a pas ce souci. Voir ultérieurement passer des milliers de personnes (GR34 - organisation de Raids) sur les sentiers issus de ses prescriptions SPPL n’est pas sa préoccupation. Il y a pourtant bien « un changement de destination » important du sentier, fréquenté initialement, de temps en temps, par le « douanier », pour ses « rondes » … Puis il s’est agit d’améliorer la desserte de l’estran… Mais tout cela abouti, au final, petit à petit, à un sentier touristique participant il est vrai à l’économie régionale, mais à quel prix environnemental ? Cela fera l’objet d’un prochain article.